Puisque le sujet de la petite enfance et de son épanouissement est actuellement évoqué, voici ma contribution :


La priorité au premier degré, c’est donner dès le départ à tous les élèves les meilleures chances d’apprendre.

Le premier degré est une priorité inscrite dans la loi de refondation à travers notamment la scolarisation en maternelle et le dispositif « plus de maîtres que de classes ». La priorité aux savoirs fondamentaux, la réduction du nombre d’élèves dans le cycle 2 ou en éducation prioritaire sont des mesures souvent avancées en ce moment. Elles sont importantes, même s’il faudrait aussi expérimenter d’autres organisations de l’école primaire (Cf. Point 4) et étoffer les équipes d’enseignants avec d’autres professionnels (Cf. Point 10).

Mais pour qu’elles soient opérantes, il faut régler d’urgence et en même temps cette question : aujourd’hui, les maîtres du 1er degré ne sont pas tous en situation d’enseigner dans de bonnes conditions parce que beaucoup trop d’élèves au plus jeune âge rejoignent l’école alors qu’ils ne sont pas en situation d’apprendre. C’est un dispositif global qu’il faut construire, en collaboration avec les services de la santé de l’État et les collectivités territoriales, pour contribuer à lever les obstacles, sociaux, familiaux, psychologiques, langagiers des enfants entrant en maternelle, qui fragilisent leurs apprentissages. Nous ne partons pas de rien mais les services sociaux et de santé de l’État et des collectivités manquent globalement de cadre et de moyens pour agir ensemble. C’est une question d’organisation des services publics. Si elle n’est pas traitée de façon homogène sur le territoire, elle peut laisser les maîtres sans solution, les conduisant à se retourner vers les parents pour ces prises en charge. C’est encore une cause d’inégalité car trop souvent les parents de familles modestes ne peuvent y faire face, notamment en zone rurale.

Le constat est régulièrement fait des difficultés à entrer dans les apprentissages dès la maternelle pour certains enfants du fait de la distance familiale au langage, de la difficulté d’accès au dépistage, au soin ou au suivi, par exemple orthophonique. Une réponse par la scolarisation des enfants de moins de trois ans de manière organisée est de plus en plus proposée en milieu urbain, même si son développement est trop lent. En revanche, la scolarisation précoce en dehors des grandes agglomérations se fait de manière beaucoup moins structurée et ne permet pas toujours une progressivité suffisante.de la prise en charge.

L’aspect plurifactoriel des obstacles aux apprentissages rencontrés ne permet pas d’envisager une logique de dépistage systématique, dont l’aspect prédictif à un tel âge serait d’autant plus contestable et contesté.
Une démarche partenariale

-          Etape 1 : Etablir une cartographie des risques sociaux et scolaires centrée sur la période de 1 à 6 ans (ÉN, CAF, PMI) permettant de déterminer dans chaque département les secteurs prioritaires ;

-          Etape 2 : Proposer un contrat local entre l’État (préfecture, ÉN, DDCS, ARS), les collectivités et la CAF à partir d’un schéma départemental petite enfance renforcé et accompagné d’un contrat d’objectifs et de moyens ;

-          Etape 3 : Définir une coordination départementale opérationnelle pour assurer le suivi de la conception et de la mise en œuvre opérationnelle du schéma départemental. Il faudrait la concevoir comme la coordination des Dispositifs de Réussite Éducative du plan Borloo de 2005 (DRE), y compris avec un volet budgétaire géré en grande autonomie par les acteurs locaux, sous le contrôle du préfet, et permettant d’associer financement de postes, de vacations, de matériel, de déplacements…

Ce partenariat s’appuierait sur les formations communes à tous ces acteurs. Une négociation État/CNFPT/Collectivités/CAF viserait à proposer un plan pérenne de formation commune entre assistantes maternelles/animateurs/AESH/ATSEM/professeurs des écoles, animé par des acteurs de la petite enfance et de la scolarisation précoce.
 Création de maisons de l’enfance

Sur un modèle se rapprochant des maisons médicales, des maisons du droit ou des maisons de l’emploi, éventuellement adossées à l’une ou l’autre de ces structures, ou aux locaux scolaires existants, ces maisons de l’enfance trouveraient plus particulièrement leur place dans les petites villes isolées. Dans une logique de coéducation, de coresponsabilité et de collaboration, elles seraient un lieu d’accueil, de consultation et d’animation autour de la petite enfance.

Il s’agit de proposer de regrouper des services existants ou nouveaux, dans une logique de construction d’équipe pluridisciplinaire, faisant réseau, de la naissance à la fin de la moyenne section de maternelle : permanence médicale et pédiatrique (ARS), permanence sociale (Conseil départemental, CAF), permanence psychologues et atelier de langage (MEN), permanence orthophoniste (privé), ludothèque (commune)…
Dispositifs passerelles

Dans les contextes géographiques ou sociaux ne permettant pas de positionner un dispositif de scolarisation précoce, le dispositif des classes passerelles/jardins d’enfants pourrait être (re)développé en favorisant l’action commune de plusieurs acteurs et des formules souples et adaptées au territoire :

-          Dans une logique de réelle continuité petite enfance/préscolarisation/scolarisation de 18 mois à 3 ou 4 ans 

-          Par une association dans la même structure de personnels issus des communes/CAF/MEN) ;

-          Comme un lieu de passerelle entre crèche, garde familiale ou assistantes maternelles vers l’école, s’adaptant en fonction de l’évolution individuelle de l’enfant ;

-          En mutualisant l’usage des locaux scolaires ou non scolaires et en assouplissant les conditions d’aménagement des locaux et les taux d’encadrement ;

-          En l’ouvrant à l’accueil d’enfants de mères sans emploi, dans une logique de halte-garderie souple et préparant l’enfant au contexte scolaire.
Scolarisation des moins de 3 ans

Dans les situations d’organisation territoriale qui le permettent, il s’agirait également de poursuivre le développement des dispositifs de scolarisation des moins de 3 ans, mais en fixant un cadre à la fois plus formel dans son organisation et plus souple dans son fonctionnement :

-          Des dispositifs réellement spécifiques et pas des classes avec plusieurs niveaux d’âges ;

-          Des postes d’enseignants à profil, voire ouverts à des non enseignants, y compris en temps partagé avec les maisons de l’enfance ;

-          Un accueil possible des enfants déjà accueillis en crèche, ou par des assistantes maternelles, en préparation à la scolarisation ;

-          Un accueil accompagné possible en mai/juin de l’année n-1 de scolarisation ;

-          Une logique souple d’entrée/sortie tout au long de l’année scolaire ;

-          Un appui sur les structures associatives socialisantes (intergénérationnelles, activités sportives, scientifiques, culturelles…) ;

-          Une adaptation locale : par exemple une ouverture à temps partiel deux jours par semaine, un accueil saisonnier adapté à l’emploi touristique, des horaires coordonnés avec le collège, une organisation tenant compte des mouvements de population...

Un tel dispositif devrait se mettre en place à partir d’un Projet de Scolarisation Individuelle construit avec la famille, la structure de petite enfance, le réseau PMI du conseil départemental et l’école.

  

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