Repenser la gestion des ressources humaines
Souvent accusée de ne pas suffisamment être au
service du système mais de « tourner » pour les professeurs, la
gestion des ressources humaines du MEN doit régler sans tarder quelques
questions de fond que l’on a mal traitées ou que l’on évite depuis trop
longtemps : la façon de concevoir le dialogue social, les modalités de
recrutement et de mobilité, la formation initiale, la formation continue, le
remplacement.
Ces évolutions peuvent se traduire par une
modification des statuts actuels des enseignants. Il pourrait également être
envisagé de créer un nouveau cadre d’emploi.
Les
besoins des élèves doivent guider les discussions avec les Organisations
Syndicales (OS)
De quel point de vue se place-t-on en effet quand
on discute des conditions de travail avec les OS ? En admettant le
préalable de la satisfaction des revendications salariales, Lionel Jospin a
déjà distribué en 1989 l’équivalent d’un milliard d’euros pour reconnaître les différentes
facettes du métier d’enseignant que le ministère a (re)reconnues au cours de ce
quinquennat pour la même somme. Pour presque un milliard d’euros, il aurait
sans doute été possible de négocier sur autre chose que sur les « justes
revendications des travailleurs »[1].
Quand il y a revalorisation, la question des
contreparties est souvent évoquée pour regretter que l’employeur n’ait pas
obtenu de changements des conditions d’exercice du métier de professeur. C’est
une histoire sans fin, car le pouvoir politique, considérant dans la
négociation que les demandes pécuniaires des enseignants sont légitimes, se met
en position de faiblesse, voire se sent honteux pour « arracher » des
contreparties à des partenaires dans leurs « bons droits ».
Il faut partir d’une autre logique,
celle des besoins des élèves pour qu’ils réussissent mieux. C’est ce que devrait
établir la conférence de consensus (Cf. Point 1), mais ils sont d’ores et déjà identifiés :
fluidité des parcours, adaptation rapide des formations, souplesse des
structures, prise en charge globale des élèves, modularité et individualisation
des enseignements, différenciation pédagogique, réactivité en termes d’aide et
de soutien, continuité de l’enseignement par un remplacement plus efficace des
professeurs… Si l’on est d’accord avec ces principes, la discussion doit donc prioritairement
porter sur les évolutions nécessaires pour y parvenir aussi bien dans le fonctionnement
du système que dans l’accomplissement des missions des professeurs.
Que
l’on me comprenne bien. Je ne fais aucun procès d’intention aux OS qui à
l’Éducation Nationale sont représentatives, diverses et responsables. Oui !
Responsables des intérêts moraux et matériels de leurs mandants. Il ne leur
appartient pas, il n’est pas dans leur vocation de prendre en charge l’intérêt général
du pays en matière d’éducation et de formation. Car dépassant les intérêts
particuliers, celui-ci intègre des enjeux de civilisations, de valeurs, de
place et d’avenir de la jeunesse dans notre pays, d’articulation avec les
besoins économiques à venir… C’est aux pouvoirs publics de prendre à leur compte
ces intérêts supérieurs qui, politiquement, doivent surplomber tous les autres.
Il leur appartient de les définir,
pas seuls, mais en ayant entendu les points de vue pour trouver un consensus et,
après les avoir fait arbitrer au bon niveau, de les faire partager. Bien sûr,
les syndicats portent nos valeurs républicaines et les défendent. Ils ont légitimement
leurs points de vue sur les questions d’organisations scolaires, de cursus, de
programmes… Mais comment leur reprocher de, tout de même, les construire à l’aune
des intérêts professionnels des professeurs. Les OS expliquent bien sûr que leurs
revendications ne sont pas uniquement catégorielles mais que, au contraire, en
les satisfaisant, les élèves en tireront bénéfice. Loin de moi l’idée d’opposer
intérêts des élèves et des professeurs : les professeurs « vivent »
pour leurs élèves pas uniquement professionnellement ou quand ils sont en
classe. Pour eux la non réussite scolaire n’est pas une statistique, elle porte
un prénom et un nom.
C’est
pourquoi, il est faux de considérer que les syndicats ou les professeurs bloquent
les « réformes nécessaires »[2] à l’Éducation Nationale. Quand les ministres calent trop leurs
actions sur les demandes syndicales, ils commettent un déni de politique et n’achètent
pas pour autant la paix sociale. Quand ils pensent conduire des changements
sans ou contre les professeurs, ils commettent la même erreur. Le fait d’avoir
des syndicats forts et représentatifs est un atout si les pouvoirs publics se
montrent dignes de leur mission d’incarner une volonté politique. Le ministre
de l’Éducation Nationale qui sera nommé prochainement sera à cet égard
dépositaire de la légitimité que le nouveau Président de la République aura
acquise par le suffrage universel.
Par principe, c’est donc bien aux
pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités et de proposer les évolutions
qu’ils estiment être dans l’intérêt de la réussite des élèves ainsi que les
contreparties répondant aux évolutions des pratiques enseignantes nécessaires
pour y parvenir, à charge d’examiner d’autres propositions syndicales qui y
contribueraient également.
Les discussions sur le pouvoir d’achat ou sur
les déroulements de carrière gardent par ailleurs leurs propres logiques dans
le cadre de la fonction publique.
Dans la
discussion avec les organisations syndicales, il faut donc inverser la logique
habituelle. Il ne faut pas/plus distribuer des avantages en attendant des
contreparties des personnels. Il revient à l’institution de proposer des
contreparties aux personnels qui verront modifiées leurs conditions d’exercice
du métier et leurs pratiques professionnelles pour que les élèves réussissent
mieux.
Etoffer
les équipes dans le premier degré
Dans le 1er degré, les équipes
doivent être étoffées. Elles peuvent l’être de façon ciblée en professeurs supplémentaires
dans certains cycles ou pour l’éducation prioritaire.
Mais il faudrait surtout
seconder et accompagner les professeurs avec d’autres professionnels, soit du
domaine sanitaire ou social, en maternelle notamment (Cf. Point 9, maison de la
petite enfance), soit de la remédiation, du numérique ou qui peuvent relayer ou
prolonger le travail du maître[3].
En multipliant les adultes, l’objectif n’est
pas de diminuer le temps de travail de chacun mais d’être en situation d’organiser
les apprentissages en séquences pour des groupes de besoins évolutifs, en co-intervention
éventuellement (Cf. Point 4 Expérimenter d’autres organisations de l’école
primaire).
Les questions à se poser tourneront autour
de : quel nouveau rôle pour le maître référent, qui sont ces
professionnels, comment sont-ils associés à l’école, quel temps de présence de
chacun dans l’école, quel temps de concertation, de formation, quelle gouvernance
d’une école de ce type ?... Autant de sujets qui vont appeler de la part
de l’institution des réponses en termes de formation, d’accompagnement, d’aide,
de soutien, d’appui par la recherche.
Le décret du 20 Août 2014 a recensé les
différentes missions des enseignants du second degré. Pourquoi cela n’a-t-il
pas été fait pour les PE alors qu’elles sont du même ordre. Les possibilités de
« missions particulières », rémunérées à ce titre, devraient
cependant leur être ouvertes prochainement. Elles pourront d’autant plus se
développer que de nouvelles organisations de l’école primaire seraient
expérimentées (Cf. Point 4).
S’il était
possible de dégager des moyens pour améliorer les rémunérations, il faudrait
les réserver exclusivement aux professeurs des écoles, sans contrepartie, car
il n’est pas normal que les professeurs qui sont en charge de l’apprentissage
des savoirs fondamentaux soient moins payés que leurs collègues[4].
Mieux
adapter les modalités d’enseignement dans le second degré aux besoins des
élèves
Dans le second degré, la refonte des décrets
de 1950, incluse dans le plan d’ensemble annoncé en février 2014, a été une
occasion en partie ratée parce que c’est toilettage certes utile mais qui a
laissé entières les zones d’ombres antérieures sur les composantes du temps de
travail des professeurs. Il aurait notamment fallu saisir cette occasion pour
traiter la question du remplacement et de la formation continue.
Sous la pression des OS de mieux faire
reconnaitre, pour mieux les rémunérer, les missions des enseignants du second
degré, un décret de 2014[5]
les recense. Il distingue les « missions d’enseignement » (les Obligations
Réglementaires de Service (ORS) multipliées par 36 semaines), « les
missions liées à la mission principale d’enseignement » (temps de
préparation et de recherche, activités d’aide et de suivi et d’évaluation des
élèves, travail en équipe, relations avec les parents d’élèves…) et des
« missions particulières » (coordonnateurs, référents…) rémunérées en
indemnités. La formation continue des enseignants et leur remplacement ne sont
à aucun moment mentionnés.
Le nouveau décret de 2014 ne fait pas
référence au temps de travail global des enseignants. Il vise néanmoins le
décret du 25 Août 2000 qui fixe la durée annuelle
de travail effectif à 1 607 heures maximum pour tous les fonctionnaires, tout en
mentionnant dans son article 7 que pour les corps qui ont des statuts particuliers,
ce qui est le cas des enseignants, ces derniers prévalent.
De cet imbroglio juridique, les syndicats concluent
que les 1 607 heures ne s’appliquent pas aux enseignants.
L’administration soutient un autre point de
vue. Les 1 607 h s’appliquent bien aux enseignants, pendant lesquelles ils sont
« à la disposition de leur employeur » (article
2 du décret de 2000). Ils n’ont cependant pas un « emploi du temps » de
1 607h. Du fait de leurs statuts particuliers (décret de 2014), leur
temps de travail est décomposé en deux ensembles. Le premier correspond aux « missions d’enseignement »,
c’est-à-dire au temps de présence devant les élèves (ORS), le second se réfère ce
que l’on dénomme le « travail invisible »
du professeur au-delà de ses ORS : préparation des cours, aide, suivi et évaluation
des élèves, travail en équipe, relations avec les parents d’élèves... Pendant ces
missions, les enseignants restent juridiquement à la disposition de
l’employeur, même si celui-ci a décidé de ne pas les quantifier et de les
laisser à la libre initiative des professeurs, sans contrôle sur leur
effectivité. Cette différence d’interprétation des textes pénalise le bon
fonctionnement des établissements.
Ainsi, quand les enseignants ont été
sollicités pour les journées de formation pour la réforme des collèges hors de
la présence des élèves, les OS ont soutenu qu’elles n’étaient pas obligatoires,
faute d’être mentionnées à l’article 2 du nouveau décret. Toutes les
organisations ont réclamé pour la mise en place des enseignements interdisciplinaires
au collège du temps de concertation pendant les cours des élèves. Or le décret
de 2014 l’inscrit clairement dans un temps hors de la présence des élèves. Si
les enseignants décident de se rencontrer pour travailler ensemble, s’ils
souhaitent participer volontairement à des formations, ils peuvent le faire et
ils le font, mais si l’initiative vient de l’institution, il faut négocier.
Il faudrait trancher définitivement ce
différend juridique pour ne pas priver l’institution de leviers d’actions, et
notamment les chefs d’établissement (et les directeurs d’école) en tant que
responsables pédagogiques.
Il serait vain de
proposer de réécrire le décret de 2014, qui règle beaucoup de points. Il pourrait
être néanmoins complété, soit par des dispositions évitant les interprétations
divergentes, soit par des dispositions qui ne seraient pas impératives mais
offriraient un cadre juridique plus large pour rendre possibles d’autres
manières de travailler au sein des entités d’enseignement :
-
Pour
reconnaître et valoriser les missions des professeurs des écoles, il
faudrait les faire bénéficier des dispositions de l’article 2 (« missions
d’enseignement » et « missions liées à la mission
principale d’enseignement ») du
décret du 20 Août 2014. Ce qui suit pourrait donc les concerner ;
-
Pour
permettre aux chefs d’établissement (et aux directeurs d’école) de mieux
mobiliser l’équipe pédagogique, ils devraient pouvoir organiser (dans les écoles) et les établissements certaines
activités parmi les « missions liées à la mission principale
d’enseignement », laissées aujourd’hui à la seule initiative des
professeurs. Ainsi pourrait être ajoutée, à la fin
du II de l’article 2 du décret 20 Août 2014, la phrase suivante :
« Il appartient au chef d’établissement (et aux directeurs d’école) d’organiser, sur le fondement du projet
pédagogique et avec l’appui (du conseil des
maîtres ou) du conseil pédagogique, certaines de ces missions au sein (de l’école ou) de l’établissement, à
l’exclusion des travaux de préparation et de recherches personnelles
nécessaires à la réalisation des heures d'enseignement ». Cette
possibilité pourrait
concerner principalement les réunions d'équipes pédagogiques et les dispositifs
d'évaluation des élèves au sein des écoles et des établissements ;
-
Pour rendre
plus facile l’adaptation des structures et des modalités d’enseignement aux
élèves, le service d’enseignement des professeurs pourrait être
comptabilisé, en moyenne, sur une période donnée (quelques semaines, un
trimestre, un semestre…) pour, par exemple, permettre aux professeurs de français
des mises à niveau en début d’année, ou au contraire de concentrer certaines
matières à la fin de l’année. Il ne s’agit pas ici d’imposer une annualisation,
une trimestrialisation ou une semestrialisation des temps d’enseignement, mais
de donner la possibilité aux établissements de les comptabiliser au-delà de la
semaine, toujours pour réaliser un projet pédagogique ;
-
Pour
mieux répondre aux besoins des établissements et à leurs projets pédagogiques, le
service d’enseignement pourrait être davantage mixte entre : enseignement
et remplacement (Cf. infra), enseignement en présentiel et à distance,
enseignement et tutorat d’élèves, enseignement et formation. Dans
le même esprit, pour valoriser les différentes voies de formation, il faut
mettre en place des services mixtes incluant la formation d’élèves et celle
d’apprentis ou d’adultes.
Ainsi, la possibilité pour un
professeur de partager son temps entre temps en classe et enseignement à
distance permettrait par exemple pour un établissement de développer en réseau
l’enseignement d’une langue à faible diffusion. De même, avec cette modalité, le
tutorat ou des actions de formation dans l’établissement ou le réseau pourraient
prendre une nouvelle dimension ;
-
Pour
offrir plus de souplesse aux professeurs dans les services, il
faudrait à la fois pouvoir réintégrer dans le service d’enseignement certaines
« missions particulières » rémunérées exclusivement en IMP, si l’on
veut les développer comme notamment les coordonnateurs de discipline ou de
cycle. Il faudrait aussi rendre vraiment opérationnelle l’alternative entre
réduction du service d’enseignement et prime (IMP).
-
Pour
favoriser les projets communs au sein de l’école fondamentale, il
faudrait organiser la fluidité des fonctions enseignantes dans ce cycle. Les
statuts devraient permettre aux professeurs des premier et second degrés de
croiser leurs services ou de les compléter dans un niveau ou un autre. Il ne
s’agirait en aucun cas de l’imposer, et les statuts ne devront pas être ambigus
sur ce sujet, mais toujours de servir des projets communs : enseignement
des langues, remédiation en 6ème par des PE, développement des parcours
éducatifs (Avenir, de Santé, d'Éducation artistique et culturelle, Citoyen),
projets communs en éducation musicale, arts plastiques, en sport ou
interdisciplinaires pour les CM2 et les 6èmes notamment. Ce pourrait
être un terrain d’expérimentation dans un premier temps.
-
Pour
favoriser la bivalence au sein du cycle de l’école fondamentale, les
statuts devraient ouvrir la possibilité aux PLP de la voie générale d’enseigner
en collège. L’enseignement en collège est déjà en partie bivalent car un
certain nombre de disciplines sont appariées. Cette possibilité de faire appel
aux PLP pour les collèges ne devra pas être contrainte. Elle ouvre des
perspectives de carrière pour les intéressés et peut faciliter des associations
entre unités d’enseignement d’un même territoire (collège et LP, réseau écoles-collège
et LP).
Organiser
le recrutement et les mutations dans le cadre des 17 Régions Académiques
Un
cadre régional pour le recrutement et la mobilité des PE
Les professeurs des écoles sont actuellement
recrutés dans chaque académie, dispersant les viviers au point de créer de
fortes distorsions dans les chances de réussite et donc dans la qualité des
professeurs recrutés. Comme le montre le tableau suivant, dans la moitié des
académies, plus de 40% des présents sont recrutés[6],
alors que le taux de sélectivité généralement admis pour s’assurer d’une qualité
suffisante est de 25% à 30%.
Concours de Professeurs des Écoles 2016
|
|
Académies
|
Pourcentage d'Admis/Présents
|
Corse,
Guadeloupe, La Réunion, Martinique, Rennes, Limoges
|
Entre 12% et 25%
|
Clermont-Ferrand,
Toulouse, Bordeaux, Poitiers, Nantes, Caen, Nancy-Metz, Montpellier, Nice,
Lille
|
Entre 28% et 39%
|
Besançon,
Strasbourg, Aix-Marseille, Lyon, Grenoble, Orléans-Tours, Guyane, Reims
|
Entre 40% et 49%
|
Rouen,
Paris, Dijon, Amiens, Créteil, Versailles
|
Entre 51% et 73%
|
Ce constat ne décrit pas la situation de
professeurs recrutés dans les « académies déficitaires » qui n’ont
aucun lien avec celles-ci et qui viennent de toute la France pour y passer le
CRPE parce qu’il y est plus accessible. En Ile-de-France, ils peuvent
représenter les 2/3 des reçus.
Ils contribuent à rééquilibrer les viviers
mais de façon insatisfaisante pour le système et pour eux-mêmes. Car dès la
première année d’exercice ils souhaitent quitter le département mais ne le
peuvent pas avant 4 ou 5 ans au moins. C’est ainsi que le quart des enseignants
de la Seine-Saint-Denis souhaite la quitter chaque année et que quelques
pourcents seulement y arrivent.
Un recrutement des
PE organisé au niveau des 17 RRA permet de mieux répartir les viviers, de façon
explicite et assumée par l’institution, y compris en Ile-de-France entre Paris
et les deux autres académies. Recrutés dans ce cadre, les professeurs
continueraient d’être affectés dans un département mais pourraient néanmoins
changer d’affectation dans la même Région Académique sans passer par le
mouvement national.
Rompant avec une tradition qui n’a plus lieu
d’être puisqu’elle était fondée sur un recrutement par département, le
mouvement interdépartemental des professeurs des écoles devrait désormais s’organiser
entre les 17 RRA, en deux temps[7]
comme pour le second degré.
Le faible taux de satisfaction de l’actuel
mouvement interdépartemental (22%), qui n’a cessé de se dégrader, montre que
celui-ci s’effectue en effet dans un cadre beaucoup trop limité. Des cohortes
de jeunes professeurs souhaitent quitter certains départements submergeant
certains autres au point de représenter 40% des professeurs en exercice. Le
mouvement complémentaire, dit d’Inéat/Exéat, sorte de grande bourse d’échange
aux règles floues, ne fait qu’ajouter aux frustrations et est devenu inutile
car si les Inéats sont légions, les Exéats sont bloqués.
Les Régions Académiques représentent des
espaces suffisamment vastes et riches pour que l’institution dispose de viviers
de qualité et pour que les professeurs des écoles puissent y satisfaire leurs
besoins personnels légitimes de mobilité.
Un
recrutement national à affectation régionale pour les professeurs du second
degré
Les professeurs du second degré sont recrutés
par des concours nationaux puis ensuite entrent dans un processus national de
première affectation en académie comme stagiaires et participent à nouveau à la
moulinette nationale pour trouver une affectation « définitive » comme
néo-titulaires. Tout est fait pour que les néo-recrutés ne viennent pas au
final gêner les mutations des titulaires, puisqu’ils passent systématiquement
après. Logique très française de la prime aux Insiders, la situation faite à
ces jeunes ne les ancre pas dans un territoire dès leur entrée dans le métier,
ce qui serait un gage d’intégration rapide. Ce n’est en effet que deux années
après leur réussite au concours qu’ils sont affectés « à titre
définitif » dans une académie… autour de la trentaine. Ce « bizutage
institutionnel » freine l’appétence pour ce métier, dont les jeunes voient
le déroulement en début de carrière comme un parcours du combattant dont l’ancienneté
est l’arbitre suprême, sauf cas particuliers.
Les concours du
second degré doivent rester nationaux pour préserver la qualité des viviers,
déjà fragiles. Il serait dangereux de régionaliser ces concours, y compris dans
le cadre des 17 Régions Académiques. S’ils demeurent nationaux pour tous les
corps du second degré, rien n’empêche d’afficher en même temps que le nombre de
postes aux concours, leur répartition entre les 17 Régions Académiques.
Déjà faite il y a quelques années, cette proposition
trouvait ses limites dans le cadre de 30 académies, tant certaines étaient très
souhaitées et d’autres tellement peu attractives. Dans le cadre de 17 Régions
Académiques, l’objection est nettement moins dirimante.
Le choix des reçus se ferait en fonction de
leur rang de classement. L’attachement des reçus aux différentes régions de
France limitera le risque de voir les premiers se concentrer sur les mêmes
académies. On ne choisira pas Paris mais l’Ile-de-France, non pas Bordeaux mais
la Nouvelle Aquitaine, non pas Strasbourg mais Le Grand-Est.
Ceci conduira évidemment en termes de postes à
faire de la place à ces jeunes recrutés, en un mot à leur réserver des postes
qui ne seront plus offerts au mouvement national des titulaires[8].
C’est la condition pour les accueillir correctement.
Une fois affectés
dans une Région Académique, les reçus y demeurent comme stagiaires mais
également comme néo-titulaires. Les Régions Académiques devront veiller dans
les affectations internes à une répartition équilibrée entre leurs territoires,
ce qui impliquera de n’utiliser en aucun cas le classement comme critère du
mouvement intra académique. Il faudra se préoccuper de trois questions :
-
La répartition des postes entre les Régions Académiques
au moment de leur publication doit s’accompagner d’une réserve pour le cas où
ils ne seraient pas tous pourvus. Dans ce cas, la répartition devra être
ajustée au nombre de reçus pour que toutes les académies soient servies ;
-
La proposition d’organiser le concours en
début fin de licence, la formation durant deux années et le maintien dans
l’académie de formation comme néo-titulaire induisent une gestion
prévisionnelle qui voit deux ans devant. Ceci renforce la nécessité d’un agenda
de l’action ministérielle sur la mandature ;
-
Durant la période transitoire, il faudra
lisser le processus pour éviter de bloquer le mouvement des titulaires vers
certaines académies.
Une
formation initiale de deux années
Le gouvernement précédent avait sacrifié la
formation des professeurs en supprimant les postes permettant de l’assurer,
tout en la portant au niveau du Master ce qui représentait une avancée. En
2012, le gouvernement actuel a rétabli ces postes mais parlons-en un instant.
Dans une chronique sur le « bilan de la refondation » Philippe
Watrelot rappelle les étranges conditions[9]
dans lesquelles ont été annoncés les 60 000 postes par François
Hollande :
« Le
9 septembre 2011, en campagne dans l’Aisne, François Hollande lors d’une
réunion à Soissons, tente un coup de poker. Les parents d’élèves présents, en
cette semaine de rentrée interpellent le candidat : « Monsieur Hollande, si vous êtes élu, vous
ferez quoi au sujet de ces suppressions de postes ? Concrètement ... ».
François Hollande se lance et improvise : « Si je suis élu, on recréera 60.000 postes supprimés depuis cinq
ans! ». Dans « L'Homme
qui ne devait pas être Président » (Par Antonin André et Karim
Rissouli, Albin Michel 2012), François Hollande revient lui-même sur cette
proposition : « Les 60.000
postes, j'ai décidé ça tout seul. Je n'ai prévenu personne. Quand les parents
d'élèves m'ont demandé ce que j'allais faire, je me suis dit: si je dis
simplement que j'arrête les suppressions de postes, ça veut dire que tout ce
qui a été mis en cause est acté. Donc il faut bien dire quelque chose, mais
quoi ? Est-ce qu'il faut dire: "toutes les suppressions de poste seront
compensées" ? Mais ça faisait quand même beaucoup. Donc j'ai commencé à
réfléchir pendant que je leur parlais. Le programme du PS ne disait rien de
précis là-dessus. J'ai commencé à faire mes calculs: Si j'en mets 60 000, ça
fait 12 000 par an, donc ça coûte combien ? Je calcule, ça fait 2 milliards et
demi à la fin du mandat, c'est jouable. Donc je dis 60 000 postes. Il y a eu
une polémique, bien sûr, mais ça correspondait à un vrai besoin. Et puis ça
prenait tout le monde de court ».
Pris de court en effet ! Car, quand s’est
posée la question du rétablissement des postes pour la formation, il est très
vite apparu que ceux-ci allaient mobiliser la moitié des 54 000 postes
dévolus à l’enseignement scolaire, au point que l’on a pu prétendre qu’ils
n’ont pas été tous créés, ce qui est faux. Cependant, même si le temps de
travail apporté par les stagiaires était significatif, cette mesure, incontournable,
diminuait fortement la visibilité des postes créés sur le terrain.
Si l’annonce de ces postes avait été mieux réfléchie,
il eut sans doute mieux valu annoncer moins de postes, mais des postes de
titulaires à temps plein, et raisonner en crédits pour la formation, ce qui
revenait au même budgétairement. Mais c’est peut-être minorer l’effet magique
de l’annonce de postes dans ce ministère, dont certains pensent qu’ils sont une
garantie car plus difficiles à supprimer. On a vu ce que cela valait quand
80 000 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012.
Les IUFM se sont transmutés en ESPè,
construction bancale faite de compromis dont aucun n’est satisfaisant.
Pas satisfaisante la place du concours à la
fin du M1, qui conduit irrémédiablement à un gâchis, car sont éliminés au
milieu d’un Master professionnel les 2/3 ou les 3/4 des candidats qui ne l’ont
pas réussi, sans qu’on leur offre d’autres possibilités réelles que de le
repasser jusqu’à le réussir ou y renoncer définitivement. La fameuse formation
en Y qui, après un échec en 1ère année de Master, pouvait conduire à
d’autres débouchés dans le cadre de Masters parallèles s’est révélée, comme
prévu, être une grande illusion.
L’équation démographique liée à un concours en
fin de M1 est en effet mortifère. Si l’on veut que la qualité du recrutement
soit assurée, il faut avoir entre 3 et 4 candidats par poste qui vont donc
s’engager en 1ère année de Master et commencer tous à se former à
leur futur métier, alors qu’ils ne sont pas encore recrutés. Sauf qu’au milieu
de la formation, seul un petit nombre pourra continuer.
L’erreur a été commise d’engager l’institution
à former des personnes qui ne sont pas encore recrutées. Du coup, se pose la
question des « reçus dits collés », expression abusive en
l’occurrence car ils n’ont été reçus à rien. N’empêche qu’est en train de se
constituer un volume de 20 à 30 000 étudiants titulaires d’un Master MEEF
complet mais n’ayant pas été reçus au concours qu’ils ont tenté plusieurs fois.
Que vont-ils devenir : le vivier des futurs contractuels ?
Pas satisfaisante, la répartition des rôles
entre les universités et l’employeur. Depuis toujours, on a voulu nous faire
croire que les universités françaises revendiquaient la formation des maîtres comme
une mission essentielle, parce qu’il en était ainsi dans tous les pays développés.
Si les IUFM ont reconnu leur rôle, les cursus de formation étaient à l’époque calés
nationalement et le rôle de l’employeur garanti. Avec la Mastérisation, les
universités ont vu l’occasion de gonfler leurs effectifs à ce niveau, notamment
avec les MEEF premier degré. Il suffit de se souvenir comment certaines
universités ont acquis un poids conséquent en intégrant les IUFM.
Avec les ESPé, s’est mis en place un processus
complexe d’accréditation des formations[10]au
cours duquel les recteurs n’ont pu que voir passer les trains de maquettes avec
un nombre d’heures total ou par domaine variant selon les habitus ou donnant
dans la surenchère pour attirer plus d’étudiants. Il a fallu passer des heures
à essayer de convaincre les composantes d’universités, qui elles-mêmes composaient
l’ESPé, de respecter telle ou telle disposition du cahier des charges pour au
final accepter qu’elles ne le soient pas ou si peu. La logique politique de
l’universitarisation de la formation, avec les attendus propres aux universités,
l’a emporté sur ceux de l’employeur consignés dans un cahier des charges certes
pétri de bonnes intentions, sur les éducations à … ou sur le tronc commun entre
1er et second degrés, mais au cadrage notoirement insuffisant.
C’était inéluctable à partir du moment où la même
procédure a été utilisée (la réponse à un appel d’offre) que pour les
accréditations des autres Masters, où la diversité de l’offre peut là être
souhaitée.
La formation dispensée dans les cursus MEEF
est totalement hétérogène, inégale en qualité, déportée excessivement vers le
disciplinaire, trop peu axée sur la pédagogie parce que les équipes de
formateurs n’incluent pas assez de praticiens, sans réel contrôle de
l’employeur qui va accueillir ensuite en classe ces professeurs. Les compromis
complexes entre les composantes, l’inventivité dans les structures de
coopération, l’adaptabilité au contexte local dont savent faire intelligemment
preuve les universités ont été en l’occurrence peu utiles.
Puisqu’il faut mettre fin à cette situation,
plusieurs pistes sont possibles, des plus radicales à un aménagement du
dispositif actuel.
-
On pourrait se rapprocher des modèles qui
confient totalement aux universités la formation des maitres. Ceux-ci acquièrent
les compétences pour enseigner au niveau d’un Master professionnel dans un cadre
strictement universitaire, comme les autres formations de ce niveau. Le futur
employeur n’est pas partie prenante à cette formation. Il peut néanmoins gérer
les flux de ces formations par accord avec les universités. Il recrute, souvent
par entretien d’embauche, ces professionnels à un niveau régional ou plus
local. Ce serait un changement radical en France qui serait taxé de « libéral »!
Pour poursuivre dans cette voie, le recrutement pourrait être réalisé par les
Régions Académiques par entretien d’embauche ou en empruntant à la fonction
publique territoriale le modèle de ses concours nationaux qui constituent des
viviers que viendraient solliciter les Régions Académiques ;
-
Si l’on reste sur le modèle des écoles
professionnelles à la française (ENA, IRA…), deux voies sont encore possibles.
En faire, comme l’a suggéré Jack Lang, des écoles entre les mains quasi
exclusives de l’employeur. Tous les modèles étrangers donnent un rôle, souvent
central, aux universités. Il serait sans doute exagéré de « jeter le bébé
avec l’eau du bain » et ce serait vécu, en France et ailleurs, comme un
déclassement de notre formation des maîtres ;
-
Les ESPé peuvent garder leur rôle mais il faut
le réaménager :
-
Le concours doit être placé à la fin de la
licence (Cf. Supra). Les reçus deviennent élèves de l’ESPé comme fonctionnaires
stagiaires pendant deux années et sont rémunérés comme tels. La formation
demeure en alternance avec un mi-temps sur le terrain en première année, qui pourra
être regroupé par période. La deuxième année, le stagiaire effectue 2/3 de
temps en classe. En fonction des besoins de recrutement, cette formation, payée
pendant deux ans, coûtera 6 à 7 000 emplois supplémentaires. N’est-il pas
possible de trouver ce financement, par redéploiement si nécessaire, pour
former deux ans nos professeurs. Les élèves professeurs intègrent leurs différents
corps comme titulaires avec le grade de Master ;
-
Le cahier des charges de la formation ne peut
plus être un appel d’offre aussi ouvert auquel répondent les universités. Mis
au point avec les universités, négocié avec qui de droit, le cadre de la
formation doit être national, c’est-à-dire contraint, sur quelques grands
principes : les volumes globaux, la répartition horaire entre les années,
et les domaines disciplinaires, quelques éléments constitutifs du parcours, la
constitution des équipes… On ne part pas de rien. Il faut analyser les
maquettes actuelles et les recadrer afin d’homogénéiser l’ensemble ;
-
Les ESPé doivent être regroupées au niveau des
Régions Académiques. Leur gouvernance doit laisser plus de place aux Recteurs
de Région aussi bien pour s’assurer de la conformité de leurs actions avec les principes
nationaux que pour nouer avec elles des partenariats sur des enjeux de
formation plus locaux. Le développement de la formation continue des
professeurs mobilisera davantage les ESPè.
Rendre
obligatoire la formation continue tout en la rémunérant
La formation continue est le levier essentiel
pour conduire les changements à l’Éducation Nationale. C’est évident, c’est
régulièrement affirmé mais ça ne se réalise pas au bon niveau. Il fut un temps
où, quand le ministère devait rendre des crédits, il supprimait ceux de la
formation continue.
Formation continue des professeurs, des
professionnels d’éducation, des techniciens, de santé, sociaux, de
l’encadrement… formation par discipline, par domaine, inter-catégorielles… théorique,
pratique…, courte, longue…, diplômante, qualifiante…, en séminaire, sur le lieu
de travail, à distance…, par des universitaires, des chercheurs, des
praticiens, des pairs, auto-formation des équipes… c’est dans toutes ces
dimensions qu’il faut investir massivement. Investir dans la formation continue
non pas pour contraindre ou imposer les réformes[11]
mais au contraire pour libérer les initiatives, construire des réponses adaptées,
donner des libertés d’action supplémentaires, (rè)unir dans un projet commun
différents professionnels pour se renforcer mutuellement. Investir dans la
formation continue, car la proposition que je porte de confier de
nouvelles responsabilités aux entités d’enseignement conduit à revisiter les
pratiques pédagogiques mais aussi les questions du
pilotage, de l’animation et du travail collectif et participatif interne… qui ouvrent sur : le rôle des conseils (des maîtres, pédagogique), le coaching ou la
coordination par des professeurs expérimentés, l’aide aux équipes pour les
projets…
Travailler ensemble
s’apprend pour les professeurs qui devront le faire de manière plus
systématique, pour l’encadrement des écoles, des établissements et des réseaux dont
le rôle et la responsabilité vont s’accroître, pour les inspecteurs dont le
positionnement professionnel va fortement changer, pour les Inspecteurs
d’Académie qui piloteront beaucoup moins directement et contractualiseront
davantage. C’est par la formation que ces mutations devront s’opérer. Car, quand
les directives arrivent toutes prêtes, il ne faut que les appliquer et la
formation devient le plus souvent instrumentale. Mais s’il faut construire des
réponses locales par un travail collectif, il faut que tous soient capables de
le faire. C’est pourquoi la formation doit devenir obligatoire, selon des
modalités propres à chaque corps. Ce sera le moyen, l’outil par lequel les
unités d’enseignement pourront exercer leurs nouvelles responsabilités.
La formation des maîtres est la priorité des
priorités. C’est le levier incontournable de la transformation des pratiques
des enseignants à tous les niveaux mais dans le 1er degré, où
s’acquièrent les savoirs fondamentaux, c’est un impératif encore plus fort. La
formation des enseignants est aujourd’hui trop centrée sur les savoirs disciplinaires,
leur épistémologie et leur didactique. La place de la pédagogie est faible et
ce ne sont pas les ESPé qui y ont changé grand-chose.
Dans le premier degré, la réforme des rythmes
scolaires, en mobilisant le mercredi matin pour les élèves, a réduit les 18h de
« formation continue » et « d’animation pédagogique » aux
mercredis après-midis ou aux plages horaires après les cours, conduisant à
avoir recours à des formations à distance sur la plateforme M@gistère. Les
Plans Départementaux de Formation (PDF) offrent pour la plupart de belles
possibilités mais ils reposent sur le seul volontariat et surtout leur mise en
œuvre est totalement dépendante des moyens de remplacement, comme dans le
second degré d’ailleurs.
Dans le décret de 2014, la formation n’a pas été
mentionnée parmi les « missions liées à la mission principale
d’enseignement » réputées obligatoires. Le ministère soutient cependant que
l’obligation de se former, faisant partie des obligations générales des
fonctionnaires, s’impose aux enseignants sur le temps de travail ; certes,
mais au sein ou hors de leurs ORS ? Juridiquement la question n’est pas
tranchée. Les enseignants peuvent à leur initiative se former, et ils le font,
mais l’institution ne peut pas vraiment l’exiger. La formation des professeurs
ne peut plus dépendre de tels aléas. Les élèves ne peuvent pas se retrouver
face à des professeurs qui, pour différentes raisons en partie indépendantes de
leur volonté, sont plus ou moins au fait de ce que les sciences cognitives ont
permis d’acquérir sur les apprentissages, démunis face aux élèves en situation
de handicap ou à besoins particuliers ou en crise, isolés face à un problème ou
une question qui trouverait des réponses dans des échanges de pratique, sans
ressources concrètes pour traiter un point du programme ou se renforcer dans
une discipline… Bien sûr, il y a les collègues, les conseillers pédagogiques,
les inspecteurs et le magicien Internet.
C’est pourquoi, tous
les professeurs devraient suivre obligatoirement six jours de formation par an
sur leur temps de travail ; les professeurs en 1ère et 2ème
années d’exercice 9 jours. Même si la formation n’a pas pu être inscrite, sous
la pression syndicale, parmi les « missions liées à la mission principale
d’enseignement », elle ressortit clairement de cette logique. Dès lors,
elle doit s’effectuer hors de la présence des élèves. Il faut donc modifier le
décret de 2014 pour inscrire la formation parmi ces missions, ce qui la rendra
obligatoire. Mais il faut également la rémunérer au même titre que le sont,
avec l’Indemnité de Suivi et d’Orientation des Elèves(ISOE), « l'aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur
évaluation et le conseil aux élèves dans le choix de leur projet
d'orientation » également inscrits dans ces missions liées à
l’enseignement. Le même dispositif peut s’appliquer aux PE qui bénéficient de
l’ISAE.
Dans le premier degré, les 36 heures de
formation obligatoires devront intégrer les 18h déjà obligatoires, prévues dans
les 108 h annuelles mais aujourd’hui non rémunérées.
Les textes prévoiront que les frais de
transport seront remboursés. Il faudra aussi diversifier les modalités de
formation (conférences, échanges, formation de type universitaire,
auto-formation des équipes…) et les formateurs (les pairs sont toujours
d’excellents formateurs) ainsi que les opérateurs de formation. Les priorités
seront nationales et aussi en partie définies par les Recteurs de Région Académiques ;
le pilotage assuré par les IA. La formation devra davantage être diplômante par
la VAE.
Assurer
le remplacement d’abord dans les établissements scolaires
Dans
le premier degré, le remplacement devra continuer à s’appuyer
sur la disponibilité d’une brigade spécifique. Le remplacement de courte durée
est de fait aujourd’hui assuré par les professeurs de l’école eux-mêmes puisque
les élèves sont accueillis dans les autres classes si nécessaire. C’est une
obligation faite aux professeurs au titre de l’article L 133-1 du code de
l’éducation : « Tout enfant… Il bénéficie gratuitement d'un service
d'accueil lorsque ces enseignements ne peuvent lui être délivrés en raison de
l'absence imprévisible de son professeur et de l'impossibilité de le
remplacer… ».
Si se développent d’autres organisations de
l’école mobilisant davantage d’adultes au sein d’équipes pluri-professionnelles,
la question du remplacement et de la prise en charge continue des élèves se
posera différemment et devrait en être facilitée. Il faut aussi attendre de la
mise en réseau des écoles et des collèges de nouvelles possibilités dans ce
domaine.
Dans
le second degré, le remplacement ne peut plus procéder quasi
exclusivement du recours aux Titulaires de Zones de Remplacement (TZR). Le meilleur
parti en a déjà été tiré en élargissant les zones, en les calibrant
différemment selon les disciplines, en mobilisant les remplaçants au maximum.
Le rendement ne peut guère être encore amélioré. Le remplacement de courte
durée (2 à 3 semaines) doit trouver une réponse dans l’établissement. C’est le
plus efficace et le plus réactif. C’est un des atouts de l’enseignement privé
qui y a recours systématiquement.
Si des services d’enseignement mixtes (enseignement/remplacement)
se mettaient en place, notamment pour les professeurs en sous-service, les
établissements disposeraient d’une ressource mobilisable immédiatement (Cf. Supra,
point 10) par l’établissement lui-même ou le réseau proche.
Le décret
2005-1035 du 26 août 2005 organise le remplacement des absences de courte
durée (moins de 15 jours) des professeurs au sein de l’établissement. La note de service
2005-130 du 30 août 2005 en précise les modalités d’application. Dans un
plan, en date du 18 octobre, mettant en avant 7 mesures pour améliorer le
remplacement, le ministère relevait que : « Aujourd’hui,
des protocoles définissant dans chaque établissement du second degré
l’organisation du remplacement des absences inférieures ou égales à 15 jours
sont prévus par un décret de 2005, mais sont progressivement tombés en
désuétude dans de nombreux établissements. C’est pourquoi le ministère
mobilisera les services académiques et les chefs d’établissement afin d’assurer :
la présentation des protocoles lors des prochains conseils d’administration des
établissements (les objectifs, les priorités, les principes et modalités de
remplacement de courte durée), la diffusion de ces protocoles à la communauté
éducative, notamment aux parents d’élèves et la programmation d’un bilan à
l’issue de l’année scolaire ».
Sur son site, le SNES invite à « Rendre inopérant le dispositif : La
mobilisation de l’automne 2005, marquée par la signature massive d’une pétition
initiée par le SNES-FSU a conduit la plupart des chefs d’établissement à éviter
les conflits qui auraient découlé d’une imposition de ce dispositif qui
dénature le métier, accroît la charge de travail et nuit aux solutions
élaborées par les équipes sur la base du volontariat. Dans ce cadre, le SNES-FSU appelle les collègues à continuer
de refuser collectivement
les remplacements imposés des absences de courte durée, qui engendrent des
difficultés et des tensions dans les établissements pour les professeurs, sans
constituer la plupart du temps une réponse pédagogique adaptée pour les élèves ».
Que dire de plus, sinon demander au prochain
gouvernement de faire cesser cette pantomime. Ou bien il s’assure que les chefs
d’établissements sont en état de faire appliquer ce décret ou ce dispositif est
inopérant mais alors il faut en établir un autre d’urgence pour la prochaine
rentrée. Un des points clés réside dans le taux des heures supplémentaires pour
ces remplacements qui doit être attractif.
Créer
un nouveau cadre d’emploi de professeurs
Toutes les propositions précédentes visent à
modifier les conditions actuelles d’exercice des métiers de professeurs dans un
seul but : que la gestion des ressources humaines serve, au sens le plus
noble du terme, la réussite des élèves. Même s’il s’agit principalement de
rendre possibles d’autres manières de travailler sans les imposer, la nouvelle
donne que cela induirait doit être négociée avec d’éventuelles propositions de
contreparties de la part de l’institution. Mais des blocages peuvent néanmoins
surgir.
C’est pourquoi, il faut aussi envisager la
création d’un cadre d’emploi nouveau de professeurs, qui serait davantage
proche des standards des grands pays. Dans une chronique sur le bilan de la refondation,
Philippe Watrelot relève : « Il faut cependant noter que dans la
plupart des pays si les salaires [des enseignants] sont élevés c’est avec des
conditions de travail différentes marquées par un engagement important et la
reconnaissance de toutes les dimensions du métier[12] ».
Ce cadre d’emploi pourrait rassembler les grandes
caractéristiques suivantes :
-
Un recrutement au niveau licence avec deux ans
de formation en école professionnelle pour acquérir le titre de Master ;
-
Un temps de travail, et donc de présence dans
l’école ou l’établissement, composé, de façon modulable, d’un temps
d’enseignement et d’autres activités, liées aux élèves ou à la vie de l’école
ou de l’établissement ;
-
L’enseignement de plusieurs disciplines ;
-
Des possibilités d’intervenir indifféremment dans
les trois niveaux d’enseignement école, collège et lycée avec une formation
initiale adaptée et la possibilité de la compléter en formation continue pour
changer de niveau ;
-
Un salaire plus élevé de l’ordre de 30% ;
-
Les nouveaux professeurs seraient recrutés
dans ce nouveau cadre d’emploi que pourraient rejoindre les professeurs en
poste, s’ils en acceptent les conditions ;
-
Le corps des Agrégés demeurerait pour
enseigner majoritairement dans le supérieur.
[1] Expression en juillet
1936 de Maurice Thorez.
[2] Sans se prononcer ici sur le fond
[3] En Grande-Bretagne, les professeurs sont secondés par
des « assistants d’enseignement (teaching assistants) ».
[4] Un tiers d’ORS de plus que les
certifiés, pas d’heure supplémentaire possible, moins d’indemnités.
[5] Décret n° 2014-940 du
20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels
enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second
degré
[6] Quasiment les 2/3 à Créteil et les ¾
à Versailles.
[7] Ou en trois temps : inter
académique, inter départemental de la même académie, intra départemental.
[8] Dans le mouvement
national actuel, titulaires et néo titulaires sont en concurrence.
[9]
http://philippe-watrelot.blogspot.fr/2016/04/bilan-de-la-refondation-de-lecole-2eme.html
[10] Les universités étaient devenues
autonomes entre temps.
[11] Les syndicats ont dénoncé la « formation
formatage » de la réforme des collèges.
[12]
http://philippe-watrelot.blogspot.fr/2016/04/bilan-de-la-refondation-de-lecole-2eme.html
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